Pendant un certain temps, alors que Donald Trump et Elon Musk étaient perçus comme des alliés, ils ont souvent été dépeints de la même manière — comme des figures perturbatrices, chaotiques et dangereuses. Leurs détracteurs avaient tendance à fusionner leurs personnalités, sans voir la distinction psychologique fondamentale qui les sépare. Maintenant que leur alliance s'est fracturée, cette distinction est plus cruciale que jamais. En utilisant une grille de lecture psychanalytique, nous pouvons voir qu'ils ne sont pas les deux faces d'une même pièce. Ils représentent plutôt deux voies divergentes issues de la même racine de la peur humaine, ou ce que Freud appelait la névrose.
Cette incompréhension se cristallise dans l'étiquette populaire mais incohérente de « pervers narcissique ». Le terme est une erreur, car il confond deux mécanismes psychologiques distincts : le narcissique, qui déforme la réalité pour flatter son ego, se rapprochant de la psychose, une déconnexion de la réalité ; et le pervers, qui transgresse la loi pour atteindre une jouissance. Trump est l'archétype du narcissique ; Musk, au sens psychanalytique, est le pervers.
1. L'Erreur du concept de « Pervers Narcissique »
Pour comprendre la différence, nous devons partir d'un concept de base : la névrose, ou le conflit interne né de nos peurs et de nos angoisses. Selon la théorie psychanalytique, un individu développe des mécanismes de défense pour gérer ce conflit. Les termes « narcissique » et « pervers » décrivent deux solutions profondément différentes à cette lutte intérieure.
La Voie Perverse : Cette voie implique une transgression de la loi. Ici, « la loi » signifie plus que les statuts juridiques ; elle représente toutes les règles externes, les normes sociales et les limites imposées par l'autorité (le Surmoi). Le conflit du pervers n'est pas avec son image de soi, mais avec cette autorité externe. Il trouve une forme unique de plaisir, que le psychanalyste Jacques Lacan nommait jouissance, en testant, en se moquant et en brisant ces règles. Son combat est externe, et son principal outil est la transgression.
La Voie Narcissique : Cette voie implique une distorsion de la perception. Le conflit principal du narcissique concerne son image de soi et la manière dont elle est jugée par le monde extérieur. Pour protéger un sentiment de soi fragile ou grandiose, il plie, tord et réécrit la réalité elle-même. Son but est de faire en sorte que le reflet du monde corresponde à la perception qu'il souhaite avoir de lui-même. Le combat est interne, et son principal outil est le déni ou la distorsion.
Ces deux voies s'excluent mutuellement à la base. L'une cherche à contrôler la perception, l'autre à défier les règles. Qualifier quelqu'un de « pervers narcissique » revient à méconnaître ces deux forces motrices.
2. Donald Trump : L'Archétype du Narcissique
La personnalité publique de Donald Trump est un cas d'école de narcissisme. Sa principale motivation est la préservation d'un ego grandiose contre la menace perçue du jugement public. Ses actions ne visent pas à subvertir le système pour le plaisir, mais à s'assurer que le système reflète sa propre grandeur.
Les preuves sont accablantes. Son obsession pour la taille des foules, les audimats et les sondages révèle un besoin désespéré de validation externe. Confronté à des faits peu flatteurs, sa réponse n'est pas de contester les règles, mais d'inventer des « faits alternatifs » — un parfait exemple de distorsion de la réalité pour protéger l'ego. Sa sensibilité extrême à la critique, en particulier à la moquerie, n'est pas la réaction de quelqu'un qui brise le système, mais de quelqu'un dont l'estime de soi dépend entièrement de l'adoration des autres.
3. Elon Musk : Le Transgresseur Pervers
Elon Musk, quant à lui, opère selon un schéma psychologique différent. Bien que l'ego soit certainement un facteur, son moteur principal est une compulsion incessante à lutter contre les limites et à les transgresser. Son conflit est avec « la loi » — l'ordre établi, les lois de la physique, les conventions du marché et les normes sociales.
Son rachat et la refonte chaotique de Twitter en X en sont un excellent exemple. Il ne voulait pas simplement diriger la plateforme ; il a semblé tirer une satisfaction particulière du démantèlement de sa culture et de ses règles établies, défiant les attentes des annonceurs, des utilisateurs et des médias. C'était un acte de transgression contre l'ordre établi de tout un écosystème numérique. Ses provocations publiques envers les organismes de réglementation comme la SEC ou son rejet des processus de fabrication automobile traditionnels suivent le même schéma.
Il ne s'agit pas ici de maintenir une image publique parfaite ; en fait, ses actions nuisent souvent à sa réputation. Sa motivation semble plutôt être une forme de jouissance tirée de l'acte même de briser les frontières. Ses ambitions, de la colonisation de Mars à l'implantation de puces dans des cerveaux humains, sont les transgressions ultimes — repoussant les limites biologiques et physiques de l'humanité elle-même. Son combat n'est pas avec son reflet dans le miroir, mais avec la structure même du cadre du miroir. C'est l'œuvre du pervers, au sens psychanalytique : une lutte abstraite contre le Surmoi.
Conclusion
En comprenant cette différence fondamentale, nous dépassons les étiquettes simplistes.
Trump et Musk sont peut-être tous deux des forces du chaos, mais la nature de ce chaos est entièrement différente. Trump déforme le monde pour servir son ego, tandis que Musk transgresse ses règles pour assouvir un désir de conquête abstraite. Reconnaître cette distinction est essentiel pour interpréter correctement leurs actions et leur impact final sur notre monde.