L'histoire géopolitique moderne révèle une vérité troublante : les nations agissent selon des logiques de pouvoir qui transcendent les idéologies proclamées. L'analyse des alliances et trahisons de la Seconde Guerre mondiale, suivie de l'expansion communiste et des dynamiques actuelles entre la Russie et l'Iran, dévoile des mécanismes constants qui régissent les relations internationales depuis près d'un siècle.
En août 1939, le monde assiste stupéfait à la signature du pacte Molotov-Ribbentrop entre l'URSS communiste et l'Allemagne nazie. Cette alliance contre-nature s'explique par une logique pure de realpolitik : Staline achète du temps pour préparer son armée, tandis qu'Hitler sécurise son flanc oriental avant d'attaquer l'Occident.
Deux ans plus tard, en avril 1941, l'URSS signe un pacte de neutralité avec le Japon. Ces deux accords révèlent un principe fondamental : les États privilégient leurs intérêts stratégiques immédiats sur toute considération idéologique ou morale.
L'attaque allemande contre l'URSS en juin 1941 transforme instantanément Staline d'ennemi potentiel en allié indispensable pour Churchill et Roosevelt. Cette volte-face illustre une règle géopolitique élémentaire : "l'ennemi de mon ennemi est mon ami". Les démocraties occidentales acceptent l'alliance soviétique par nécessité, non par affinité.
En août 1945, l'URSS rompt à son tour le pacte de neutralité avec le Japon et envahit la Mandchourie. Cette trahison, calculée au moment où le Japon s'effondre, permet à Staline de récupérer les territoires perdus en 1905 et d'étendre l'influence soviétique en Asie.
Le général George Patton identifie dès 1945 une réalité que beaucoup refusent de voir : l'URSS représente la prochaine menace existentielle pour l'Occident. Sa proposition d'attaquer immédiatement l'Union soviétique, bien que rejetée comme belliciste, repose sur une analyse froide des rapports de force.
Patton comprend que la "capitulation sans condition" imposée à l'Allemagne et au Japon vise à empêcher toute résurgence de ces puissances. Logiquement, cette même logique devrait s'appliquer à l'URSS, dont les actions démontrent déjà une ambition hégémonique comparable.
En 1945, les États-Unis possèdent le monopole nucléaire et une machine de guerre intacte. L'URSS, exsangue après avoir perdu 27 millions de citoyens, se trouve dans une position de relative faiblesse. Patton perçoit cette fenêtre d'opportunité qui ne se rouvrira jamais.
L'histoire lui donnera raison : la guerre froide qui suit coûtera des milliers de milliards de dollars et quarante-cinq années de tensions mondiales.
Pendant que les procès de Nuremberg jugent les criminels de guerre nazis (1945-1946), Mao Zedong relance la guerre civile chinoise. L'URSS fournit armes et conseillers aux communistes chinois, appliquant une stratégie d'expansion par procuration.
La victoire de Mao en 1949 transforme un quart de l'humanité en satellite potentiel de Moscou. Cette expansion révèle une méthode : exploiter les guerres civiles et les mouvements de décolonisation pour étendre l'influence soviétique sans confrontation directe avec l'Occident.
Au Vietnam, Hô Chi Minh utilise habilement la lutte anticoloniale pour masquer ses ambitions communistes. L'URSS soutient cette stratégie qui permet d'affaiblir la France puis les États-Unis dans une guerre d'usure prolongée.
Cette approche indirecte évite le risque d'escalade nucléaire tout en grignotant l'influence occidentale. Elle sera reproduite en Corée, à Cuba, en Angola et ailleurs.
Ces révolutions communistes ne résultent pas du hasard mais d'une stratégie cohérente : identifier les zones de faiblesse occidentale (décolonisation, guerres civiles, crises économiques) et y injecter un soutien ciblé pour faire basculer l'équilibre local.
Cette méthode révèle un principe géopolitique constant : les grandes puissances étendent rarement leur influence par conquête directe mais par manipulation des dynamiques locales.
L'alliance actuelle entre la Russie de Poutine et l'Iran des ayatollahs reproduit les logiques observées durant la Seconde Guerre mondiale. Ces deux nations, exclues du système international occidental, trouvent dans leur partenariat un moyen de contrer l'hégémonie américaine.
Comme l'URSS avec l'Allemagne nazie en 1939, cette alliance unit des régimes aux idéologies distinctes (nationalisme russe orthodoxe vs islamisme chiite) mais aux intérêts convergents : affaiblir l'ordre international dominé par l'Occident.
Cette coopération russo-iranienne illustre plusieurs principes géopolitiques durables :
L'ennemi commun : Face aux sanctions occidentales, Russie et Iran développent des circuits économiques parallèles, partageant technologies militaires et ressources énergétiques.
La complémentarité stratégique : La Russie fournit la puissance militaire conventionnelle et nucléaire, l'Iran offre son réseau de milices régionales et son influence chiite.
La géographie comme destin : Le contrôle russe de l'Arctique et du gaz européen complète la position iranienne sur le détroit d'Ormuz et les routes énergétiques du Golfe.
L'analyse de ces huit décennies révèle que les États agissent selon des constantes qui transcendent les changements de régime ou d'idéologie :
La recherche de l'équilibre : Aucune puissance n'accepte durablement une position de faiblesse. L'URSS défaite en 1991 renaît sous la forme de la Russie poutinienne.
L'alliance des exclus : Les nations marginalisées par l'ordre international dominant tendent naturellement à s'allier, indépendamment de leurs différences idéologiques.
La géographie comme contrainte : Les impératifs géostratégiques (accès aux mers, contrôle des ressources, sécurisation des frontières) déterminent largement les politiques extérieures.
Francis Fukuyama proclamait en 1992 la "fin de l'histoire" avec le triomphe définitif de la démocratie libérale. Cette vision ignorait les constantes géopolitiques révélées par l'analyse historique.
La résurgence russe, l'ascension chinoise et l'expansion iranienne démontrent que l'histoire n'a pas de fin, seulement des cycles où les rapports de force se recomposent selon des logiques éternelles.
L'étude des alliances et trahisons de 1939 à nos jours révèle des mécanismes géopolitiques d'une remarquable constance. Les nations poursuivent leurs intérêts vitaux selon des logiques qui transcendent les idéologies proclamées et les engagements signés.
Cette compréhension permet d'anticiper les évolutions futures : tant que persistera un système international multipolaire, nous assisterons à de nouvelles recompositions d'alliances suivant ces mêmes principes éternels. Les acteurs changent, les costumes idéologiques se renouvellent, mais la pièce géopolitique reste fondamentalement la même.
Patton avait vu juste en 1945 : identifier la prochaine menace hégémonique et agir en conséquence. Aujourd'hui, cette leçon garde toute sa pertinence face aux défis posés par les nouvelles alliances entre puissances révisionnistes.