Au XVIIe siècle, des naturalistes européens ont tenté de classer l'humanité en cinq "races" selon la couleur de peau : blanche, noire, rouge, jaune et brune. Cette théorie, aujourd'hui reconnue comme scientifiquement infondée, reflétait avant tout les préjugés et les besoins politiques de l'époque coloniale comme servir à justifier l'esclavage, la colonisation et la hiérarchisation des peuples.
La génétique moderne a démontré que les variations génétiques sont plus importantes à l'intérieur de chaque groupe dit "racial" qu'entre ces groupes. Autrement dit, deux personnes d'origine africaine sub-saharienne peuvent être génétiquement plus différentes entre elles qu'une personne d'origine africaine et une personne d'origine européenne.
Paradoxalement, alors que la science a enterré ces classifications, le débat social américain s'est enfermé dans une vision encore plus simpliste : noir versus blanc. Cette réduction binaire ignore la réalité d'une société multiethnique où vivent des Latino-Américains, des Asiatiques, des Autochtones, des Arabes et d'innombrables métissages.
Cette simplification pose trois problèmes majeurs :
L'invisibilisation des autres groupes. Quand tout se résume à "noir ou blanc", les discriminations subies par les autres communautés disparaissent du radar. Les violences anti-asiatiques, la marginalisation des peuples autochtones ou les préjugés anti-latinos deviennent des enjeux secondaires.
La création de fausses hiérarchies. En établissant une opposition binaire, on suggère implicitement que certaines discriminations sont plus légitimes que d'autres. Cette logique divise les communautés au lieu de les unir face aux injustices communes.
L'effacement des identités complexes. Dans une société où 20% des mariages sont interraciaux, comment classer leurs enfants ? Cette vision binaire nie l'existence même des personnes métissées, les forçant à choisir un "camp" comme la loi sur les indiens le fait au KKKanada.
Cette régression s'explique par plusieurs facteurs. D'abord, la simplicité de la binarité facilite la mobilisation politique et médiatique. Il est plus facile de construire un récit autour de deux "camps" opposés que d'expliquer la complexité des expériences multiples.
Ensuite, cette approche reproduit inconsciemment la logique coloniale : définir les groupes par opposition au groupe dominant blanc. Au lieu de reconnaître la richesse des identités, on maintient le blanc comme référence centrale.
Enfin, cette vision binaire sert paradoxalement les intérêts de ceux qui refusent tout changement. En divisant les communautés non-blanches, elle affaiblit leur pouvoir collectif de transformation sociale.
Reconnaître la complexité des identités ne signifie pas nier l'existence du racisme. Au contraire, cela permet de mieux le combattre en comprenant ses multiples visages. Le racisme anti-noir diffère du racisme anti-asiatique, qui diffère lui-même de l'islamophobie ou des préjugés anti-latinos.
Une approche véritablement progressiste doit :
Reconnaître les spécificités de chaque expérience sans les hiérarchiser
Construire des solidarités transversales entre toutes les communautés
Valoriser la diversité comme richesse plutôt que comme problème à résoudre
Développer des politiques publiques adaptées à cette complexité
Réduire la question raciale à une opposition noir-blanc, c'est appliquer au XXIe siècle les schémas de pensée du XVIIe siècle. Cette régression intellectuelle nuit à la justice sociale en divisant ceux qui devraient s'unir et en ignorant la richesse de nos sociétés métissées.
L'avenir des droits humains ne se construira pas dans la simplification, mais dans la reconnaissance de notre humanité commune au-delà de toutes les catégories. Car au final, nous ne sommes ni noirs, ni blancs, ni jaunes : nous sommes humains, dans toute notre magnifique diversité.