Une théorie circule discrètement parmi les analystes géopolitiques : et si la récente escalade de Trump contre l'Iran n'était pas seulement une décision américaine, mais le résultat d'un calcul russe magistral ?
L'idée peut sembler conspirationniste au premier regard. Pourtant, quand on examine les pièces du puzzle géopolitique actuel, une logique troublante émerge. Cette hypothèse prend racine dans une conviction grandissante : l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023, qui a tué 1 200 Israéliens, aurait été orchestrée conjointement par l'Iran et la Russie.
Si cette analyse est exacte, nous ne parlons plus d'opportunisme géopolitique, mais d'une stratégie coordonnée de longue haleine. Vladimir Poutine aurait-il réussi à instrumentaliser la tragédie du 7 octobre pour finalement convaincre Donald Trump de s'enliser au Moyen-Orient ?
Quatre éléments rendent cette hypothèse plausible.
Premièrement, le 7 octobre comme catalyseur. Si l'attaque du Hamas était effectivement orchestrée par l'Iran et la Russie, elle constitue le point de départ d'une stratégie remarquablement sophistiquée. En provoquant une riposte israélienne massive, puis une escalade régionale, cette tragédie a créé les conditions parfaites pour justifier une intervention militaire américaine directe contre l'Iran. Ce qui semblait être un acte terroriste isolé deviendrait alors la première pièce d'un échiquier géopolitique complexe.
Deuxièmement, les priorités de Trump sont claires. Il déteste l'Iran avec une passion qui remonte à son premier mandat. L'ayatollah Ali Khamenei et le programme nucléaire iranien incarnent pour lui tout ce qu'il abhorre : un défi direct à la puissance américaine, un soutien au terrorisme, une menace existentielle pour Israël. À l'inverse, Trump n'a jamais caché son agacement envers Volodymyr Zelensky, qu'il considère comme un "vendeur" profitant de la générosité américaine.
Troisièmement, le timing est parfait. L'Ukraine de 2025 n'est plus vulnérable. Trois ans de guerre l'ont transformée en machine militaire redoutable, soutenue par une Europe enfin réveillée géopolitiquement. La France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les pays nordiques et le Canada maintiennent un flux constant d'armes et de financement. Même sans les États-Unis, Kiev peut tenir.
Quatrièmement, Poutine comprend ses limites. Sa fenêtre d'opportunité pour une victoire rapide en Ukraine s'est refermée. Continuer coûte cher en hommes et en matériel, sans garantie de succès. Mieux vaut changer de stratégie.
Si cette hypothèse est exacte, nous assistons à un coup de maître stratégique. Poutine n'aurait pas besoin de convaincre Trump directement - il suffit d'encourager ses instincts naturels anti-iraniens tout en se montrant "raisonnable" sur l'Ukraine.
Le résultat ? Trump lance les États-Unis dans ce qui pourrait devenir leur plus grand bourbier militaire depuis le Vietnam. L'Iran, c'est 85 millions d'habitants sur un terrain montagneux, avec des alliés régionaux aguerris (Hezbollah, milices irakiennes, Houthis du Yémen) et la capacité de fermer le détroit d'Ormuz, par où transite 20% du pétrole mondial.
Un conflit avec l'Iran mobiliserait l'attention, les ressources et l'énergie diplomatique américaines pour des années. Pentagon, CIA, diplomates, budgets militaires - tout serait aspiré vers le Moyen-Orient.
Pendant que l'Amérique s'enliserait en Iran, Poutine récolterait plusieurs bénéfices stratégiques.
Consolidation en Ukraine. Avec les États-Unis distraits, la Russie peut négocier un cessez-le-feu avantageux, légitimant ses conquêtes territoriales actuelles. L'Europe, malgré sa bonne volonté, n'a pas le poids diplomatique pour imposer un retrait russe complet.
Enrichissement économique. Un conflit au Moyen-Orient ferait exploser les prix du pétrole et du gaz. La Russie, premier exportateur mondial d'hydrocarbures, verrait ses revenus décupler, finançant facilement sa reconstruction post-Ukraine.
Affaiblissement de l'OTAN. Une Amérique enlisée en Iran serait moins disponible pour ses alliés européens. L'Alliance atlantique, déjà fragilisée par les tensions internes, perdrait en cohésion.
Repositionnement géopolitique. Pendant que Washington combattrait Téhéran, Moscou pourrait renforcer ses alliances avec la Chine, l'Inde et le monde non-aligné, se présentant comme l'alternative responsable à l'agressivité occidentale.
Cette stratégie fonctionne parce qu'elle exploite les faiblesses psychologiques et structurelles américaines.
Trump privilégie les solutions simples aux problèmes complexes. "Détruire l'Iran" semble plus satisfaisant intellectuellement que "gérer l'Ukraine". L'opinion publique américaine, lasse des guerres interminables, pourrait initialement soutenir une action "décisive" contre un ennemi clair plutôt qu'un soutien prolongé à un allié lointain.
Surtout, cette approche utilise la force américaine contre elle-même. Plus Washington frappe fort en Iran, plus il s'enfonce dans un conflit asymétrique où la supériorité militaire compte moins que la résilience et la légitimité locale.
Plusieurs indices récents alimentent cette théorie. Les déclarations de plus en plus bellicistes de Trump contre l'Iran contrastent avec son ton détaché sur l'Ukraine. Ses ultimatums à Téhéran ressemblent étrangement aux justifications utilisées avant l'invasion de l'Irak en 2003.
Parallèlement, Poutine adopte un profil bas, évitant les provocations qui pourraient détourner l'attention américaine de l'Iran vers la Russie. Cette retenue inhabituelle pourrait signaler une stratégie coordonnée.
Si cette hypothèse se confirme, nous assisterions à un cas d'école de manipulation géostratégique. Poutine aurait transformé son échec ukrainien en opportunité, utilisant les obsessions de Trump pour neutraliser la puissance américaine sans tirer un seul coup de feu supplémentaire.
C'est l'essence même du judo géopolitique : utiliser la force de l'adversaire contre lui-même. Trump croit mener une guerre nécessaire contre l'Iran, mais il exécuterait en réalité la stratégie russe.
Cette possibilité devrait interroger tous ceux qui s'intéressent aux relations internationales. Dans un monde où l'information circule à la vitesse de la lumière mais où la réflexion stratégique prend du temps, les dirigeants les plus patients et les plus rusés gardent souvent l'avantage.
La vraie question n'est pas de savoir si cette théorie est exacte, mais si nos dirigeants sont assez lucides pour la considérer avant qu'il ne soit trop tard.